Le roman « Silence pluriel » de Julie Nowai, récemment publié, met en lumière un sujet brûlant et souvent tabou : le mariage précoce. Dans son ouvrage, l’autrice aborde les différentes formes de violences, notamment la violence conjugale, le viol, le harcèlement moral, la mutilation génitale féminine, et plus particulièrement le mariage précoce, qui demeure un problème alarmant en Guinée.
Julie Nowai, forte de son expérience en matière de santé sexuelle et reproductive des jeunes, souligne l’ampleur de ce phénomène et ses conséquences dévastatrices sur la vie des jeunes filles. « J’ai donc écrit à ce sujet pour sensibiliser les jeunes filles et surtout les familles afin qu’ils comprennent les enjeux… », déclare-t-elle. Ces mots reflètent sa détermination à ouvrir les yeux sur une réalité souvent ignorée.
Le mariage précoce, selon Julie, entraîne des impacts psychologiques et sociaux significatifs. Les jeunes filles, souvent confrontées à des responsabilités d’adultes avant d’avoir eu le temps de grandir, se retrouvent en déséquilibre. « Comment pourrait-on attendre d’une enfant qu’elle s’occupe d’un homme alors qu’elle ne sait s’occuper d’elle-même ? » interroge-t-elle. Cette situation est amplifiée par l’abandon scolaire qui en découle, limitant les opportunités professionnelles et renforçant la dépendance économique vis-à-vis de l’époux. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : le taux d’alphabétisation des femmes en Guinée est alarmant, avec seulement 28% de la population féminine alphabétisée.
Les motivations derrière le mariage précoce sont souvent ancrées dans des traditions et des craintes familiales. Pour éviter ce que certaines familles perçoivent comme des situations déshonorantes, des jeunes filles sont mariées avant même d’atteindre l’âge de la majorité. Julie insiste sur l’importance du dialogue : « Il faut dialoguer avec la jeune fille… briser les tabous et éduquer les jeunes… ». Cette éducation est cruciale pour permettre aux filles de faire des choix éclairés concernant leur santé sexuelle et reproductive.
Les raisons économiques ne sont pas à négliger. Certaines familles voient dans le mariage précoce une solution pour alléger le fardeau financier, considérant la dot comme un apport économique significatif. Cependant, Julie plaide pour une réévaluation des valeurs attribuées aux femmes dans la société. «Avec une bonne éducation, une femme pourrait constituer un pilier économique pour une famille autant qu’un homme », affirme-t-elle. La sensibilisation à ce sujet pourrait ainsi inciter les familles à privilégier l’éducation de leurs filles plutôt que leur mariage prématuré.
Pour lutter contre ce fléau, Julie Nowai appelle à une sensibilisation à tous les niveaux : « Il faudrait donc une sensibilisation à tous les niveaux pour la prévention et la dénonciation des cas de mariage précoces et forcés ». Elle insiste également sur la nécessité d’encourager la scolarisation des filles et de renforcer l’application des lois existantes qui protègent les droits des femmes et des filles. Bien que ces lois soient ratifiées, leur application reste souvent insuffisante.
À travers son roman, Julie Nowai souhaite non seulement sensibiliser mais aussi inspirer un changement durable dans la perception du mariage précoce en Guinée. « Silence pluriel » n’est pas seulement une œuvre littéraire, mais un cri de ralliement pour l’émancipation des jeunes filles et la promotion de leurs droits fondamentaux. Ce roman vient s’ajouter aux autres combats des acteurs et actrices de lutte contre les mariages d’enfants en Guinée, notamment les Amazones de la Presse Guinéenne et son partenaire Girls First Fund.
Hawa Soumah