Ramata Baldé, miss littérature Guinée 2022, assistante projet à CRS, activiste et auteure du livre « Comme un émerveillement commun », dans une interview accordée à Actu-Elles.info, montre une indignation face au fléau du mariage précoce.
Pour introduire son intervention, elle confirme que « le mariage d’enfants, pour moi c’est un terme qui ne devrait pas exister au XXI e siècle, un phénomène qui ne devrait d’ailleurs pas exister. Il est destructeur pour les victimes qui sont, comme on le sait la majorité du temps, des filles. Au delà du traumatisme mental que cela représente, ces mariages sont souvent célébrés sans consentement mais faut aussi avouer que des fois certains trouvent des mots pour influencer les victimes déjà sous emprise et entièrement dépendante. Le mariage d’enfants qu’il soit consenti ou non est un crime qui devrait être puni. Même si dans notre pays nous peinons encore à mettre en application les lois concernant cette pratique dangereuse et injuste. » Dit-elle.
Ramata nous apprend que « dans beaucoup de villages et préfectures, ces mariages sont encore célébrés, j’entends les échos. Les efforts sont concentrés vers les zones urbaines alors que celles rurales sont livrées à elles même. Le mariage d’enfants détruit physiquement mentalement et psychologiquement les filles. C’est un fléau qui doit cesser. » Martèle-t-elle.
Plus loin, elle fait un témoignage et propose des pistes de solution. « Je n’ai pas assisté mais indirectement, j’en ai eu connaissance, c’était encore une toute petite fille. Elle était venue en ville avec sa mère. Puis est finalement retournée au village. Quelques temps après, j’ai appris qu’elle avait été donnée en mariage. J’étais, pour tout vous dire très choquée. J’ai eu alors chercher à comprendre. Avait-elle été forcée ? Non ! M’assura-t-on. La jeune fille était pressée et contente de se marier. C’est d’ailleurs des témoignages comme ça qui m’ont fait comprendre que certains mariages d’enfants n’étaient pas forcés mais ne sont pas moins dangereux pour les filles. Ça m’a aussi poussé à me questionner mieux, différemment, et j’en suis venue à la conclusion que tout était préparé pour que le destin de cette fille se termine ainsi. Pas scolarisée, sans aucune formation, envoyée à Conakry pour être aide ménagère puis renvoyer au village, où souvent une orde de prétendants, qui ignorent tout de la loi, attendent comme des loups. Dans mon quotidien, j’aborde tout ce qui est VBG en général, le mariage d’enfants me touche particulièrement. Il m’est arrivé d’en parler dans certains de mes textes. C’est toujours des écrits révoltés et poignants. Tant qu’il existera, je parlerai de ce fléau dans mes écrits, c’est ma manière à moi de le combattre. Le message que j’ai à lancer va directement à l’encontre des autorités. Il faut que des mesures durables soient prises. Pourquoi ne crée-t-on pas un service d’assistance sociale dans toutes les préfectures si cela n’existe pas ? Il aurait pour rôle de veiller au bien être des personnes vulnérables de manière continuel. Les familles en difficulté avec des enfants maltraités ou forcés à se marier seraient suivi et des mesures prises pour protéger les enfants seraient prises. Les victimes ne devraient plus être abandonnées à leur sort et les parents et la communauté devraient savoir qu’il y’a des gens tout près qui sont là pour protéger leurs enfants si jamais ils bafouaient leurs droits et que ceux ci agiraient vite et dans les règles ». Plaide Ramata Baldé.
Depuis 2019, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a exprimé ses préoccupations concernant la prévalence du mariage d’enfants en Guinée, l’impunité des auteurs de ces actes et l’insuffisance des systèmes de protection mis à la disposition des enfants. Le Comité a exhorté le pays à prendre des mesures actives pour mettre fin au mariage des enfants. D’ici là, les écrivains, journalistes et activistes agissent de leur mieux pour pouvoir changer les choses.
Kadiatou Bachir Diallo